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DIVERSITÉ ET INCLUSION – CHANGER LE VISAGE DE L’IMMOBILIER COMMERCIAL

Au cours des dernières années, plusieurs études ont démontré que la mise en œuvre de politiques de diversité au sein de nos organisations n’est pas seulement la bonne chose à faire sur le plan éthique, c’est également la bonne chose à faire pour assurer le succès de l’entreprise. Une étude réalisée par McKinsey & Company a révélé que la diversité ethnique au sein de l’équipe de direction et du conseil d’administration est liée à une plus grande rentabilité, augmentant jusqu'à 35 %1 la probabilité d'obtenir des résultats financiers supérieurs à la médiane de l'industrie nationale. Pourtant, une étude menée par le Diversity Institute de l’Université Ryerson a révélé que la représentation des Noirs au sein des conseils d’administration d’entreprises n’est que de 0,3 % à Toronto et à Vancouver, et d’un effarant 0 % à Montréal[1].

En moyenne, parmi les six plus grandes maisons de courtage commercial à services complets de Montréal qui ont fourni leurs données sur la diversité de l’emploi pour cet article, 41 % de tous les employés des ventes, de soutien aux opérations et de gestion des activités de courtage s’identifient en tant que femme, et 9 % sont des personnes racisées.

Comparativement à la main-d’œuvre[2] de l’ensemble du Canada – où 47,5 % sont des femmes et 22 % sont des personnes racisées –, on pourrait dire que même s’il y a certainement place à l’amélioration, nous ne sommes pas tellement loin du but. Cependant, un examen plus approfondi permet de constater que parmi les courtiers et conseillers, ces chiffres chutent à 19 % pour les femmes et à seulement 3 % pour les personnes racisées.

La sous-représentation des femmes et des personnes racisées au sein de l’entreprise au niveau de la direction est un problème connu, et heureusement, activement débattu dans les plus hautes sphères de notre industrie. « Parmi les plus jeunes gens, la direction est déjà assez diversifiée. Parmi les personnes plus âgées, les administrateurs sont principalement des hommes de race blanche », a déclaré Michael Brooks, chef de la direction de la Real Property Association of Canada (REALPAC)[3] en 2019 dans le cadre d’une entrevue RENX.

C’est peut-être la raison pour laquelle ma collègue Arlene Dedier, directrice du secteur privé de Colliers Maîtres de projets à Toronto, architecte qualifiée et femme noire, se qualifie mi-figue mi-raisin de « miracle ».  La situation d’Arlene est encore plus complexe, car elle est une femme noire travaillant dans la construction au sein de l’industrie de l’immobilier commercial.

L’industrie de l’immobilier commercial a toujours été un monde à travers lequel il était difficile de se frayer un chemin, encore moins d’y poser les pieds. C’est un monde qui repose de manière inhérente sur les relations, le réseautage et la confiance. Le courtage commercial est lui-même une industrie hermétique qui, contrairement au monde de l’immobilier résidentiel, est largement nébuleuse pour le grand public. Souvent, les courtiers et conseillers immobiliers ont bénéficié d’un certain lien avec une personne qui travaille dans ce secteur ou entretiennent un réseau relié à celui-ci. Quelques-uns, comme moi, y entrent par hasard, à travers une série de rencontres professionnelles fortuites. D’autres, comme Arlene, voient une occasion dans une industrie complexe et stimulante, et trouvent des moyens de réussir, de surmonter les défis et obstacles importants qui se présentent dès le départ.

Il y a vingt ans, alors que je quittais une carrière dans le domaine des arts, j’ai décidé d’envisager l’immobilier résidentiel comme nouvelle profession. Alors que je terminais ma licence de courtier, j’ai rencontré une nouvelle recrue chez Devencore. Il m’a parlé du domaine de l’immobilier commercial et a réellement piqué ma curiosité. Par la suite, j’ai passé une entrevue avec toutes les grandes maisons de courtage de Montréal, mais c’était le directeur général de Colliers à l’époque qui avait été en mesure d’envisager la valeur d’un bureau diversifié.

Bien que nos chemins soient différents, Arlene et moi avons en commun une éducation culturelle d’où étaient absents les réseaux personnels pour soutenir notre cheminement de carrière précoce. En tant que professionnels noirs au sein d’une industrie largement blanche et homogène, nous étions la plupart du temps la seule personne non-blanche autour de la table. C’est une réalité à laquelle nous sommes habitués et avec laquelle nous composons depuis toute notre carrière. Nous avons tous deux vu l’étonnement sur le visage d’un client potentiel qui venait nous rencontrer pour la première fois, sans savoir que la voix au téléphone qu’il avait entendue allait être la nôtre et non celle d’un de nos collègues blancs. Nous avons tous les deux compris l’importance de la première impression laissée pendant la réunion, celle qui permettrait d’opérer un changement dans les préjugés inconscients inhérents.

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Mais l’obstacle pour ceux qui ne bénéficient pas d’un réseau est immense et de nombreuses personnes racisées ne parviennent jamais au point de rencontrer des clients potentiels auxquels ils peuvent démontrer leurs capacités. La vérité, c’est que notre industrie s’articule largement autour des relations. Les gens ont tendance à favoriser le travail dans leurs cercles– ils font affaire au sein de leur cercle et recrutent au sein de ce même cercle. Cette tendance insulaire est le plus grand obstacle à l’entrée de quiconque se trouve à l’extérieur du secteur et, dans une large mesure, c’est pourquoi les personnes racisées sont restées à l’extérieur de celui-ci.

Au-delà de l’absence d’un réseau, qui nuit au recrutement informel, les personnes racisées font souvent face à un manque de mentorat et de parrainage au sein de l’entreprise. Il leur manque des parrains/marraines pour les appuyer, les encourager et les aider à comprendre les règles tacites d’une industrie, qui sont si importantes pour établir des contacts. J’ai eu de la chance en ce sens que – bien que j’aie été confronté à des personnes dont les préjugés inconscients ne laissaient aucune place à autre chose que le statu quo – j’ai également rencontré des personnes clés tout au long de ma carrière, qui ont vu mon véritable potentiel et qui m’ont aidé à surmonter les obstacles pour assurer ma réussite.

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Arlene a bâti sa carrière à l’encontre de tous ceux qui lui avaient dit : « Tu ne peux pas, c’est trop difficile, ce n’est pas ta place ». Les parents d’Arlene voulaient qu’elle pratique la médecine ou le droit, alors qu’elle voulait être architecte. Lorsqu’elle a dit à son père qu’elle avait été acceptée à l’école d’architecture – l’une des 75 personnes triées sur le volet parmi 2 000 candidats chaque année –, il n’était pas enchanté. « Pourquoi ferais-tu cela? », lui a-t-il demandé. « Tu es jeune, tu es Noire et tu es une femme. » Plusieurs années plus tard, Arlene a compris que son père avait réagi de cette façon parce qu’il avait anticipé les défis auxquels elle serait confrontée et à quel point il serait difficile pour elle de réussir. Bien que ses débuts puissent sembler invraisemblables, elle a persévéré. Elle se trouve aujourd’hui au sommet de son industrie, travaillant avec plusieurs des plus grandes marques au monde à mener des projets de plusieurs millions de dollars. Arlene se fait la championne et est une mentore engagée auprès des jeunes femmes racisées, les aidant à bâtir des carrières réussies, non pas en essayant de s’intégrer, mais en étant elles-mêmes.

Ce que les gens ne voient pas toujours – ou ont de la difficulté à reconnaître – est le degré de compromis que les personnes racisées doivent faire, dans le souci de trouver des points communs avec leurs collègues, leurs pairs et leurs supérieurs. Il y a vingt ans, j’avais l’impression qu’il fallait s’effacer pour se trouver une place. Je parlais de sports et de styles de musique pour lesquels je n’avais pas particulièrement d’affinités simplement parce que je croyais que mon entourage ne serait pas en mesure d’établir un lien avec mes goûts. Comme l’a souligné Arlene dans plusieurs de ses discours sur la diversité, sur les femmes en immobilier commercial, et les femmes noires de ce même secteur, les femmes utilisent divers mécanismes pour faire face aux environnements de travail dominés par les hommes. Cela s’applique également aux personnes racisées : se distancer de leurs collègues, accepter des normes culturelles masculines et blanches, « faire partie de la bande », ou quitter l’industrie tout court. L’assimilation, par définition, limite la perspective plutôt que d’encourager différents points de vue.

Que ce soit grâce à une volonté de fer, de rencontres fortuites ou d’une combinaison des deux, Arlene et moi avons maintenant l’occasion d’ajouter nos voix à ce dialogue pour créer un impact au sein de Colliers, de notre industrie, de nos villes et au-delà, autant que l’étendue de nos réseaux le permet. Nous nous trouvons à un moment où il y a une prise de conscience autour de la diversité et du besoin d’inclusion et une volonté de changer le statu quo.

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Le mouvement « Black Lives Matter », qui découle des injustices raciales récurrentes et dramatiques qui se manifestent aux États-Unis, a amené à l’avant-plan les problèmes mondiaux et locaux d’iniquité et d’injustice dans le monde entier, incitant les individus et les organisations à prendre position et à promouvoir le changement. Les entreprises utilisent ce moment historique pour réfléchir au racisme systémique et à la discrimination dans leurs propres industries afin de déterminer comment faire mieux pour les employés et les collectivités qu’elles desservent. La plupart des grandes banques canadiennes se sont engagées à participer à des programmes visant à accroître la diversité et l’inclusion au sein de leurs rangs. En juillet 2020, plus de 300 entreprises canadiennes provenant aussi bien du secteur public que privé, incluant des grandes banques, des compagnies d’assurance, des cabinets d’avocats, y compris le gouvernement et les plus importants gestionnaires d’actifs et investisseurs institutionnels, ont signé l’engagement du chef de la direction envers l’Initiative BlackNorth visant à « accroître la représentation des Noirs au sein des entreprises par l’entremise de divers objectifs ». Entre autres, ces objectifs consistent à s’assurer que, d’ici 2025, au minimum 3,5 % des postes de direction et de conseil d’administration basés au Canada soient occupés par des dirigeants noirs.[4]

De plus en plus, les intervenants d’institutions et d’entreprises du Fortune 500 incluent des questions dans leurs appels d’offre qui demandent aux fournisseurs de services potentiels de détailler leurs engagements en matière de diversité. Je suis fier de dire que Colliers passe à l’action grâce à son programme nord-américain de diversité et d’inclusion, qui comprend favoriser le processus de recrutement inclusif, l’adhésion à des programmes d’approche  communautaire significatifs et intentionnels, comme l’engagement envers l’Initiative BlackNorth et l’instauration d’une culture où chacun se sent respecté et à l’aise de faire son meilleur travail chaque jour en étant soi-même.

Bien que favoriser la diversité soit sans aucun doute la bonne chose à faire, les entreprises découvrent qu’en soutenant et en promouvant un milieu de travail diversifié et inclusif, elles obtiennent des avantages qui vont au-delà de notre perception initiale. Des études montrent que la diversité sur le lieu de travail est clairement avantageuse sur le plan opérationnel : rentabilité et créativité accrues, gouvernance plus solide et capacité de résolution de problèmes améliorée. Les employés ayant des profils différents peuvent mettre en pratique leurs propres perspectives, idées et expériences, ce qui aide à créer des organisations qui sont résilientes et efficaces, et qui surpassent les organisations qui n’investissent pas dans la diversité.[5]

Il est temps de passer à la vitesse supérieure en matière de changement. Ce changement doit se produire à tous les paliers de notre industrie. Nos effectifs dans le secteur de l’immobilier commercial doivent refléter les données démographiques du monde dans lequel nous exerçons nos activités. Les chercheurs estiment[6] que d’ici 2045, moins de la moitié de la population des États-Unis sera caucasienne. Pour que les entreprises du secteur de l’immobilier commercial puissent croître, nous devons répondre aux besoins de chaque client, en particulier ceux des communautés diversifiées.

Comment pouvons-nous y parvenir? Quelles mesures doivent être prises afin que les personnes racisées puissent se sentir non seulement bienvenues, mais aussi incluses? Et, comment pouvons-nous mener notre industrie vers l’avenir? La défenseure de la diversité Vera Myers a défini la diversité comme étant « invité au bal » et l’inclusion comme étant « invité à danser ». Nous savons que le secteur de l’immobilier commercial n’a pas toujours été à l’avant-garde de la diversité et de l’inclusivité, et les obstacles comprennent souvent des préjugés conscients et inconscients, un manque de mentorat et le fossé qui sépare les aspirations des réalisations. Reconnaître ces obstacles, créer des programmes pour les surmonter et responsabiliser nos leaders, est le seul moyen de créer un changement durable et significatif au sein de notre industrie.

Les organisations doivent :

  • Être inclusives, pas seulement diversifiées – les organisations doivent dépasser les quotas de diversité. Nous devons favoriser le perfectionnement et trouver des moyens de fournir un environnement où les expériences et les perspectives variées sont appréciées.
  • Passer de la parole aux actes – pour assurer une croissance inclusive, les leaders doivent s’engager et transmettre leurs stratégies de façon à ce qu’elles soient comprises et appliquées à tous les niveaux de gestion. Discutez des ressources, des objectifs, des résultats, des paramètres et de la façon de mesurer le succès en matière de diversité et d’inclusion. Si aucun indicateur de performance n’est mis en place et mesuré, le succès ne se produira pas. Discutez de la façon de recruter, de former ou d’éduquer et de promouvoir les personnes racisées. Assurez-vous de mesurer ces indicateurs de performance chaque trimestre.
  • Pratiquer la sensibilisation active – en raison de la nature de notre industrie, il est important de pratiquer la sensibilisation active pour dénicher des talents diversifiés et inexploités. Pour ce faire, il faut réorienter le processus de recrutement – allez à l’extérieur de vos réseaux traditionnels pour joindre des candidats, éliminez les préjugés inconscients et diversifiez intentionnellement vos équipes.
  • Favoriser l’équité – une plus grande représentation des personnes racisées en milieu de travail est un objectif. Faire en sorte que la représentation soit équitable à tous les niveaux de la hiérarchie organisationnelle en est un autre. Grâce à des programmes de perfectionnement professionnel inclusifs, des programmes de mentorat et des groupes de ressources pour les employés, les organisations peuvent fournir une structure dans le but d’accroître la représentation dans les postes de direction et du conseil d’administration.
  • Tendre la main et enseigner – nous devons tous en être ; être enseignant, mentor, parrain et défenseur. Il est de notre responsabilité collective et individuelle de promouvoir le changement.

Je remercie et suis sincèrement reconnaissant à l’égard de ma collègue Arlene Dedier de m’avoir fait part de son histoire pour cet article. Merci, Arlene, d’avoir dirigé le changement de paradigme et d’avoir encouragé, encadré et soutenu de jeunes professionnels noirs dans notre industrie

Publication originale dans Espace Montreal.


[1] Diverse Representation on Boards, août 2020, Diversity Institute, Wendy Cukier.

[2] Études Catalyst , https://www.catalyst.org/research/people-of-color-in-canada/

[3] https://renx.ca/diversity-inclusion-how-commercial-real-estate-sector-doing/

[4] https://blacknorth.ca/the-pledge/

[5] https://www.weforum.org/agenda/2019/04/business-case-for-diversity-in-the-workplace/

[6] https://www.brookings.edu/blog/the-avenue/2018/03/14/the-us-will-become-minority-white-in-2045-census-projects/


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Colin Worrell

Managing Director, Brokerage

Montreal

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